« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,Et les mots pour le dire arrivent aisément… »
Voilà plus de trois siècles que Nicolas Boileau nous a quittés, mais sa pensée est toujours vivante, comme celle de Vaugelas, de Molière, de Corneille et de Voltaire. Comme celle de Marivaux, aussi, qui sut rendre la prose française si agréable à nos oreilles, approchant de la perfection musicale. Comme celle de Beaumarchais, enfin, qui mit dans ses phrases des charges explosives et fit sauter l’Ancien Régime. Pourtant, ils ont raison à leur tour, ceux qui ont concassé notre
langue, tels Breton, Jarry ou Dard. Oui, la force du français, c’est d’accepter dans un même dictionnaire, dans un même brouhaha, dans une même bibliothèque, Céline et Proust, Mallarmé et Michaux, Claudel et Vitrac.
Et pourquoi auraient-ils tort, Audiard, Brassens et Lapointe, avec leurs mots venus des villes, des campagnes ou du grand large ? Le français ne s’égare pas quand il flâne dans les quartiers reculés de ses banlieues, quand il arpente les campagnes des patois, quand il explore les paysages de la francophonie, la brûlante Afrique comme le chantant Québec. Il y ramasse des mots étranges et y cueille des règles inédites : tant mieux !
Même si l’oreille grince souvent, même si la grammaire y est en deuil, n’y a-t-il pas de la vie chez les slameurs et les rappeurs ? Grand Corps Malade et Abd al Malik, Akhenaton et Nekfeu : leur violence est éloquente, et leurs mots sous les maux sont des muses autant que des ruses.